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Critique : Deva, le rôle énervé de trop pour Shahid Kapoor ?

8 février 2025
Critique du film hindi Deva avec Shahid Kapoor
En apprenant que Deva (2025), le nouveau film de Shahid Kapoor, était le remake du film malayalam Mumbai Police (2013), j’ai pris la décision active de ne pas visionner l’original avant sa version hindi. En effet, Deva sort près de 12 ans après le métrage originel, et est signé du même réalisateur Rosshan Andrrews. Car un cinéaste peut très bien éprouver le désir de raconter le même récit sous différents angles, n’est-ce pas ? Toutefois, au sortir de ma séance de Deva, j’ai finalement ressenti le besoin de voir Mumbai Police afin de comprendre ce qui lui avait été emprunté et ce que cette version Bollywood apportait de différent.

Qu’en est-il réellement ?



Lorsque son coéquipier et ami (Pavail Gulatie) est assassiné, un flic survolté (Shahid Kapoor) fait tout pour retrouver la trace du meurtrier…

En s’attaquant à Mumbai Police, encensé lors de sa sortie, le cinéma hindi livre une nouvelle adaptation qui, malgré l’engagement total de Shahid Kapoor, peine à s’imposer comme un polar marquant.

En effet, le film repose essentiellement sur la performance de son acteur principal. Shahid Kapoor insuffle à Deva une intensité brute et habite son personnage avec une palette de nuances impressionnante. Il excelle notamment dans la dualité de son rôle, qui n’est pas sans rappeler son travail déjà remarquable sur Kaminey (2009). Si son charisme et son énergie physique frappent dès les premières scènes, c’est toutefois dans ses rares moments de vulnérabilité qu’il brille véritablement. Ces instants, où il laisse entrevoir les failles de son personnage, apportent une profondeur qui fait trop souvent défaut au reste du film.

D’autant que Shahid est malheureusement le seul à exister pleinement à l’écran.

Face à lui, Pooja Hegde - dont le personnage est absent de l’original - n’a aucune occasion de convaincre dans un rôle foncièrement inutile en plus d’être mal écrit. Plus largement, aucun des personnages secondaires n’a droit à un développement digne de ce nom. Tous sont relégués à des rôles fonctionnels, simples rouages du récit de vengeance et de rédemption de Deva. Ce choix, volontaire ou non, affaiblit le film, car il prive l’intrigue d’une vraie consistance humaine. C’est encore plus regrettable quand le talent de Pavail Gulatie est gâché par une trame qui n’investit jamais sur lui.

Sur le plan formel, la mise en scène manque aussi cruellement de personnalité. Rosshan Andrrews ne parvient jamais à donner une identité forte à son film, notamment puisqu’il a  excessivement recours aux fonds verts, qui diluent en conséquence toute sensation d’authenticité. En changeant l’environnement du film original, qui s’inscrivait davantage dans le réel, Deva perd une partie de son impact et se transforme en polar trop générique, qui recycle mécaniquement les clichés du genre sans jamais les réinventer.

Là où le film aurait pu se distinguer par son ancrage à Mumbai, en tentant d’en faire un personnage à part entière, l’approche demeure hélas trop superficielle pour fonctionner.

L’ambition visuelle et narrative fait grandement défaut à ce métrage et les retournements de situation sont d’une prévisibilité désarmante. Ce constat est d’autant plus décevant quand on connaît l’intéressante filmographie de son cinéaste, qui a notamment excellé dans l’exercice du drame avec l’incontournable How Old Are You (2014). En gommant les aspérités du récit malayalam, Deva illustre tristement le manque de prise de risque du cinéma populaire hindi actuel.

Le climax audacieux de Mumbai Police est sacrifié au profit d’un épilogue convenu, tandis que la complexité du héros est effacée au bénéfice d’un machisme iconisé.

En voulant séduire un large public, le film s’éloigne de son essence et passe à côté de ce qui aurait pu en faire une œuvre mémorable. Rosshan Andrews, qui revendiquait Parinda (1989) comme source d’inspiration dans une de ses interviews, passe totalement à côté de son intention avec ce film fade. Surtout qu’à mon sens, la vraie référence de Deva semble être Deewaar (1975), Shahid Kapoor reprenant des traits d’Amitabh Bachchan, tandis que Pavail Gulatie hérite du rôle du policier intègre à la Shashi Kapoor.

Enfin, la seule chanson du film “Bhasad Macha”, qui survient dès les premières minutes de la bobine avec une chorégraphie survoltée, tranche trop radicalement avec le ton sérieux du film. Si Shahid Kapoor excelle dans l’exercice - comme toujours, ce numéro musical donne le ton d’une œuvre qui ne sait décidément pas sur quel pied danser.

En conclusion,



Deva est une déception en tant que remake, mais surtout en tant qu'œuvre. Si le film est porté à bout de bras par son acteur vedette, il souffre trop de son manque d’audace et de sa vision trop formatée. Il constitue certes un polar efficace sur la forme, mais qui ne s’autorise jamais à sortir des sentiers battus.

Deva, en salles depuis le 31 janvier 2025
Une sortie Friday Entertainment
LA NOTE: 2,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?