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Critique de Bad Girl : un manifeste féministe à fleur de peau...

25 avril 2025
critique Bad Girl Festival des cinémas indiens de Toulouse
A l'occasion de la deuxième soirée du Festival des Cinémas Indiens de Toulouse, se tenait la première française d'un métrage tamoul aussi attendu que controversé. Présenté par deux poids lourds du cinéma indien, Anurag Kashyap et Vetri Maaran, Bad Girl marque avec force les débuts prometteurs de la réalisatrice Varsha Bharath. Pour son tout premier film, la cinéaste tamoule signe un récit d’émancipation féminine aussi intime que politique, aussi tendre que percutant. À travers le parcours de Ramya, incarnée avec panache par Anjali Sivaraman, Bad Girl interroge une question fondamentale : pourquoi une fille ne pourrait-elle pas vivre sa vie comme elle l’entend ?

Une quête de liberté dans une société qui enferme

De l’adolescence à la trentaine, on suit Ramya, jeune fille frondeuse, sensuelle, indisciplinée, en quête de liberté et d’amour, mais surtout de compréhension de soi. Loin d’être un simple coming-of-age, Bad Girl explore les injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes, aux prises aux attentes familiales, aux carcans religieux et aux normes sociales persistantes - désir, monogamie, caste… Tout est scruté, jugé, régulé.

Ici, la société ne tolère pas l’ambiguïté, ni la pluralité des désirs féminins. Elle veut classer, enfermer, régir. Ramya, elle, refuse d’entrer dans une case. Son chemin de vie, sinueux et parfois décousu, épouse avec cohérence le ton de l’œuvre, qui s’autorise des digressions narratives au gré des expériences de son héroïne. Un éclatement du récit qui reflète le tumulte intérieur de Ramya.

Un face-à-face mère-fille au cœur du drame

L’un des enjeux majeurs du film réside dans la relation conflictuelle entre Ramya et sa mère, jouée avec intensité par Shantipriya. Cette mère, figure rigide et surprotectrice, projette sur sa fille ses propres frustrations et idéaux avortés. Elle n’est pas une simple antagoniste, mais un personnage complexe, façonné par une société patriarcale dont elle cherche à prémunir sa fille, le tout au risque de la brider et de détériorer leurs rapports déjà bien fragiles.

Cette opposition générationnelle incarne un clash de visions du monde : celle d’un passé régi par la peur et la bienséance, contre celle d’un présent où le courage de désirer devient un acte de résistance. Ramya rejette cet héritage tout en en portant les cicatrices. Sa libération passera par la rupture, mais aussi par l’acceptation. Celle de sa mère, de son histoire et d’elle-même.

Une mise en scène en expansion

La forme épouse le fond avec une grande subtilité : la caméra de Varsha Bharath débute en format 4:3, resserrée, comme pour signifier l’étroitesse du cadre imposé à la Ramya adolescente. Puis elle s’élargit en 16:9, au rythme de son émancipation. Ce choix visuel, simple mais efficace, témoigne d’une cinéaste déjà très consciente de ses outils narratifs.

Le montage, signé Radha Sridhar, accompagne chaque phase de vie avec justesse : frénétique dans la fougue adolescente, chaotique durant les années universitaires, posé et intimiste à l’approche de la maturité. La musique d’Amit Trivedi, qui compose pour la première fois en langue tamoule, apporte une texture émotionnelle profonde, entre élans pop et mélancolies discrètes.

Un film qui n’a pas peur de déranger

Varsha Bharath ne se contente pas de brosser le portrait d’une femme libre. Elle interroge la violence systémique, qu’elle soit culturelle, sociale ou médiatique. Bad Girl n’hésite d'ailleurs pas à glisser quelques piques bien senties contre la propagande d’extrême droite et les discours normatifs qui gangrènent la société indienne contemporaine.

En conclusion



Avec Bad Girl, Varsha Bharath signe un premier long-métrage poignant et visuellement inspiré, porté par une Anjali Sivaraman incandescente. Le film touche au cœur en nous rappelant que le véritable amour à trouver, c’est celui que l’on se porte à soi-même. Une œuvre salutaire, féministe et profondément humaine qui mérite d’être vue et partagée.
LA NOTE: 4,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?