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Critique de Boong : l'enfance face à l'absence...

25 avril 2025
critique Boong Festival des cinémas indiens de Toulouse
Dans la région méconnue mais bouleversée du Manipur, au nord-est de l’Inde, Lakshmipriya Devi signe avec Boong un premier long-métrage sensible et lumineux, qui fait le pari audacieux de parler de conflit armé, de discrimination et de mensonges à hauteur d’enfant. Le film se déroule dans un contexte marqué par la présence des insurrections naxalites, mais préfère au récit frontal de guerre une narration centrée sur les liens familiaux, l’amitié et le regard enfantin et profondément optimiste porté sur un monde instable.

Un duo d’enfants inoubliable

Au cœur du film, deux enfants éclatants de sincérité : Gugun Kipgen, dans le rôle de Boong, incarne avec une justesse remarquable un enfant tiraillé entre douleur et révolte, à la recherche de repères dans l’absence d’un père fantasmé. Tantôt farouche, tantôt vulnérable, il crève l’écran dans chacune de ses apparitions. À ses côtés, le petit Angom Sanamatum est une révélation. Il interprète Raju, son meilleur ami loyal et attendrissant, avec une douceur et une innocence qui touchent en plein cœur. Leur complicité est le véritable moteur du métrage et donne lieu à de nombreuses scènes empreintes d’humour, de tendresse et d’une simplicité désarmante.

La tendresse maternelle et les failles paternelles

Dans un rôle de mère célibataire, Bala Hijam bouleverse en Mandakini, femme forte et aimante, qui tente de guider son fils avec douceur dans un monde qu’elle sait particulièrement insécure. Son jeu nuancé évoque sans détour l’amour maternel, la peur et la résilience. Face à elle, Vikram Kochhar, bien connu du public pour ses rôles dans le cinéma hindi (Dunki notamment), prête ses traits à Sudhir, le père chaleureux de Raju. Une figure paternelle en contraste total avec celle, absente, de Boong, que ce dernier idéalise pour justifier son absence, jusqu’à ce que la quête de vérité ne vienne atomiser cette construction mentale.

Une quête de vérité dans un monde qui marginalise

Sous ses airs assumés de film familial, Boong est aussi un récit sur le deuil, sur l’acceptation de la réalité et sur les discriminations systémiques. Il aborde subtilement la question de l’ostracisme des personnes dites “étrangères” dans la région complexe de Manipur, sans jamais appuyer lourdement son propos. La guerre, les tensions et les conflits sont certes là. Mais en arrière-plan, comme un bruit sourd dans l’enfance de ces garçons, sans jamais être surexposés.

La réalisatrice fait par ailleurs preuve d’une grande intelligence narrative, en maintenant toujours le point de vue de l’enfant, sans céder au pathos ni au misérabilisme. Le tout avec un rythme fluide, des dialogues simples mais percutants et une ambiance teintée d’humour, comme pour rappeler que même au cœur du chaos, les enfants restent capables de rire, de rêver et d’espérer.

Un film à la résonance universelle

Produit par Farhan Akhtar et Ritesh Sidhwani, Boong a déjà conquis plusieurs festivals internationaux, de Toronto à Varsovie, en passant par San Diego, grâce à son universalité émotionnelle. À travers ce petit garçon du Manipur, c’est l’enfance au sens large qui est représentée : celle qui s’interroge, qui invente des histoires pour combler les manques, qui apprend la dure vérité du monde, mais qui choisit, envers et contre tout, de croire en un avenir meilleur.

En conclusion



La cinéaste Lakshmipriya Devi nous livre avec Boong offre un film profondément positif, touchant et sincère, porté par un casting d’enfants épatant. C’est un premier essai maîtrisé, humble et plein de grâce, qui parvient à dire l’essentiel sans jamais forcer le trait.
LA NOTE: 4/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?