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Critique de Farming the Revolution : un documentaire essentiel et bouleversant.

27 avril 2025
critique Farming the Revolution Festival des cinémas indiens de Toulouse
Avec Farming the Revolution, projeté hier à l'occasion du Festival des Cinémas Indiens de Toulouse, la réalisatrice Nishtha Jain nous livre une œuvre précieuse et profondément humaine, version longue de son documentaire initialement diffusé sur Arte, consacré à l'énorme mouvement des fermiers du Punjab contre les lois agricoles imposées par le gouvernement Modi. Un fragment d’histoire contemporaine, filmé au plus près des protestations, qui éclaire avec puissance la lutte acharnée d’un peuple pour protéger les fruits de son travail et préserver sa dignité.

Durant plus d'une année de manifestations, Nishtha Jain nous immerge dans la réalité d’un combat collectif ayant mobilisé des dizaines de milliers d’agriculteurs, déterminés à faire entendre leur désarroi jusque dans la capitale, Delhi.

A travers les portraits poignants de jeunes étudiants, de personnes âgées, d'artistes ou de mères de famille, la documentariste tisse une fresque intime et universelle : celle d’une mobilisation populaire prête à tout pour obtenir justice face à des décisions gouvernementales arbitraires.

La figure légendaire de Bhagat Singh est d'ailleurs omniprésente dans le film, véritable symbole de la résistance contre l’injustice et l’oppression. Un choix d’autant plus fort que, dans l’Inde actuelle, le BJP tente d'effacer l'héritage de cette icône révolutionnaire, en l’évacuant notamment des expositions officielles, comme celle du musée du Fort de Delhi, ou en retirant ses portraits des bureaux administratifs. Ainsi, Nishtha Jain rappelle avec justesse à quel point le souvenir de Bhagat Singh demeure vivant et porteur d’espoir pour des générations entières.

La musique folklorique punjabi joue également un rôle clé dans la narration, résonnant comme un écho aux luttes passées : ces chants populaires, engagés et vibrants, ont toujours été des vecteurs puissants de revendications sociales et politiques.

Le film restitue ainsi une tradition vivante, pleine de ferveur, de douleur, mais aussi d’espoir et de ferveur. Sans détour, Nishtha Jain ose également s’attaquer à la figure politique de Narendra Modi, dépeint sans fard comme un pantin aux mains des multinationales, du FMI et des grandes familles d’industriels comme les Ambani. Cette dimension critique, assumée et argumentée, donne au documentaire une portée politique rare et salutaire.

Même si le film semble, à un moment, conduire vers l’illusion d’une victoire des agriculteurs, l’épilogue vient briser cet élan avec une brutalité déchirante : le gouvernement, loin de tenir ses promesses, trahit les espoirs et confirme ainsi sa malhonnêteté. Le constat est amer, rageant, d’autant que plus de 700 militants ont perdu la vie durant cette lutte, victimes de violences, d’accidents ou même d’assassinats.

Avec Farming the Revolution, Nishtha Jain signe un documentaire aussi bouleversant que nécessaire, à la fois témoin et mémoire d'une page tragique et héroïque de l’histoire indienne.

Fidèle à son approche immersive déjà saluée dans ses précédents travaux, comme Lakshmi and Me (2007) ou Gulabi Gang (2012), elle démontre une nouvelle fois son immense capacité à faire entendre les voix des oubliés, des résistants et des rêveurs d’une société plus juste.
LA NOTE: 5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?