Le 78ème Festival de Cannes de Bolly&Co.
25 mai 2025

Que donne ce nouveau Festival de Cannes sous le prisme des cinémas indiens ?
Un démarrage au ralenti.
Si en 2023, nous avions l’accréditation presse (qui n’a peut-être pas été exploitée correctement puisque c’était la première fois) et qu’en 2024 nous étions prêtes à relever le défi d’une année sans badge face à de nombreuses sélections indiennes, 2025 a démarré de manière assez particulière. L’une s’est décidée à mettre les moyens dans un badge du marché du film (sans trop savoir ce que ça représentait), l’autre a préféré s’abstenir en repensant à tout ce qui avait été fait l’année d’avant. Stratégiquement, ce n’était pas une mauvaise idée : avec les accès du marché du film, Elodie pouvait découvrir les événements importants, identifier les personnalités présentes et établir un premier contact. Quant à elle, Asmae pourrait ensuite intervenir pour porter les interviews avec panache, tout en ayant devant elle davantage de temps pour découvrir Cannes et créer du contenu autour du Festival - ou regarder des films à la Quinzaine des Cinéastes qui, comme l'année dernière, a bien voulu lui remettre un petit badge.
Néanmoins, dès le premier jour les tensions entre l’Inde et le Pakistan bouleversent nos plans. Avant de réellement s’organiser et savoir comment aborder cette nouvelle année à Cannes, il était évident que nous devions verbaliser nos ressentis face à cette situation. Nous n’étions clairement pas indifférentes aux messages reçus sur nos réseaux sociaux et à celles et ceux qui prenaient des engagements forts. Que faire, donc ? Alia Bhatt elle-même a annulé sa venue (elle devait être présente les 13 et 14 mai). Il n’y a qu’un seul long-métrage en compétition officielle (Homebound, dans la sélection Un Certain Regard). Les courts-métrages dissimulés dans les différentes sélections ne seront malheureusement diffusés qu’une seule fois et le pourcentage de chance de les voir est assez minime. Les films classiques sont avant tout des expériences uniques et rédiger des critiques autour ne semble pas être une nécessité. Enfin, les personnalités qui viennent présenter leurs œuvres ne sont pas toujours annoncées en temps et en heure pour que nous puissions être présentes au bon moment. Nous avions donc cette impression qu’il n'y aurait pas grand-chose à faire. Dans l’optique d’aller plus vite tout en publiant tout de même un vlog quotidien, on part sur un format carrousel très simple. Il n’y aura pas assez de choses à dire pour un format vidéo, de toute façon. L’énergie pour le montage n’y est pas non plus. Était-ce la meilleure solution ? Peut-être pas, finalement. Nous avons sous-estimé ce que le Festival de Cannes avait à offrir.
Un déséquilibre du rythme.
L’accès au Marché du Film est énorme. Le pavillon indien n’est au final qu’une infime partie de ce que l’Inde propose lors du marché. Elodie ayant signé un embargo, elle ne peut pas divulguer les informations des films qui y sont présentés, mais ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est le marché du film le plus important du monde. C’est là que les professionnels du cinéma (distributeurs, producteurs, réalisateurs et parfois comédiens) viennent pour mettre en avant leur travail, voire trouver les fonds pour démarrer un projet ou encore vendre les droits d’un film tout juste terminé. Elodie s’est alors retrouvée noyée sous les informations et évènements : conférences, présentations, projections privées… N’importe qui pourrait passer la totalité du Festival uniquement au marché sans voir le moindre film. Et si c’était très tentant de se perdre dans cet énorme labyrinthe d'opportunités et de découvertes, la cinéphile en elle a préféré les salles de cinéma du Palais des Festivals. Par conséquent, nos agendas respectifs n’étaient pas les mêmes. Nous ne pouvions pas assister aux mêmes choses et donc, réussir à rebondir au même moment selon les possibilités qui s’offraient à nous.
Par un heureux hasard, le Pavillon Indien a été accessible à Asmae. Du moins, la première semaine. Il s’avère qu’une partie du village international est ouvert aux personnes ayant un badge de la quinzaine, mais une petite erreur a joué en sa faveur. C’est toujours un endroit très intéressant pour l’annonce des films, pour les rencontres et même pour les interviews. Pourtant, c’est aussi un piège. Le constat après deux semaines est très simple. Là où nous cherchons à promouvoir les cinémas indiens au public français, les représentants et évènements qui ont lieu au pavillon semblent plutôt cibler des professionnels, eux-même issus de l’industrie indienne. Un entre-soi d’autant plus visible au cœur du marché du film et même au sein du Palais des Festivals : la cible est avant tout financière, pas médiatique. Aussi, les équipes des films seront plus enclines à parler de leur expérience cannoise à la télévision locale plutôt qu’à un petit magazine français. Cette réalité nous confirme une chose : peut-être bien que ce sera notre dernière sur la croisette. Quitte à devoir poser deux semaines de notre temps libre, autant viser un festival spécialisé sur le cinéma indien (et il y en a quand même pas mal à travers le monde !). Certes, le Festival de Cannes peut être impressionnant, mais c’est un festival international. Notre prisme des cinémas indiens peut très vite se retrouver bloqué. C’était une expérience incroyable, mais nous avons finalement fait le tour.
L’exclusivité ou pas ?
Depuis 2013, Elodie a suivi le Festival de Cannes comme personne. Lors de chaque édition, elle publiait aussi rapidement que possible toutes les photos et vidéos qui parlaient des cinémas indiens ou des personnalités présentes. En 2025, l'accessibilité et le travail de communication des équipes des films (ou des stars en général) est à son apogée. Alors, pourquoi passer 5h devant le Martinez en espérant voir Alia Bhatt arriver, quand les photographes professionnels vont être alertés par L’Oréal pour faire ce travail-là ? Pourquoi courir à l’entrée des artistes pour prendre quelques clichés, quand ceux du tapis rouge sont déjà en ligne à la minute près ? Et quel est l’intérêt de jouer la paparazzi si le lendemain, une interview est prévue avec ces mêmes personnes ? Quelle image cela donne d’elle ? Et de Bolly&Co ? Asmae s’est posée la même question alors qu’elle attendait devant l’hôtel de l’équipe de Homebound. Que vont-ils penser de la journaliste en elle, alors que la veille, ils ont vu une fan derrière la barrière de leur hôtel ?
Nous essayons toujours d’être professionnelles, mais nous ne sommes pas à l’abri d'erreurs. Pour Elodie, par exemple, il était impératif d’être toujours présentable. De se tenir droit, de rester calme, d’essayer de parler plus lentement en anglais et d’articuler au mieux à chaque conversation. Cela ne l’a pas empêché de se retrouver à fangirler devant Ambika Mod, comme un ado de 15 ans devant une actrice qu’elle admire. Les facteurs imprévus viennent parfois bouleverser toute bonne volonté.
Le résultat parfois décevant des photographies prises dans la seconde peut aussi démotiver. C’était le cas à la fin de la deuxième semaine. Attendre pour quelques secondes de passage, pour au final une seule photo correcte et une vidéo floue. Pourquoi perdre autant de temps et d’énergie là-dedans ? Pour Aishwarya Rai Bachchan et Alia Bhatt, la possibilité d’interview étant de 0 (et ce, malgré nos multiples tentatives de contact avec L'Oréal), la question se pose un peu moins. Et si la volonté n’y était plus vraiment lors du deuxième tapis rouge d’Aishwarya Rai, force est de constater que l’exclusivité vient de nous. L’une de nos photos a circulé partout (et nous n'allons pas revenir sur le fait que personne ne nous crédite et que nous n’avons pas le temps d'apposer un tag Bolly&Co dégueulasse qui va gâcher l’image). La même chose est arrivée le premier jour d’Alia Bhatt. La photo sur son balcon, avec son éventail, vient de nous. Publiée en stories alors qu’elle venait de monter dans son van. Relayée ensuite par de nombreux fanclubs qui ont effacé les tags instagram (vous voyez, ça sert à rien), puis des gros médias se sont servis de la même image… C’est aussi flatteur que frustrant.
Une troisième année pas à la hauteur.
Les deux années précédentes ont mis la barre très haut. Face à notre accréditation, nous avons mis les bouchés doubles. Nous ne voulions décevoir personne. Face à aucune accréditation, nous avons été plus stratégiques et avec autant de projets en sélection officielle, notre numéro spécial de plus de 250 pages est sans aucun doute notre plus grande fierté ! En 2025, l’édition tournait au ralenti. Peut-être par notre faute, par nos habitudes, par ce début compliqué, mais peut-être aussi parce qu’on a abordé les choses autrement. Il y a certes des moments forts, mais dans sa globalité, le 78ème Festival de Cannes n’a pas été aussi enrichissant que nous l’espérions. D’un commun accord, nous n’avons forcé aucune rencontre. Nous n’avons pas couru après les artistes pour une interview ou des photos. Nous avons proposé une fois, rappelé peut-être une seconde fois, mais en aucun cas nous nous sommes imposées. Faire du forcing, ce n’est pas notre approche. Nous sommes passionnées, alors autant rencontrer des personnes tout aussi passionnées. Nous avons accepté de suivre le mouvement, de ne pas ajouter des pressions supplémentaires. Cela nous a permis de voir le Festival autrement, d'apercevoir les failles évidentes, les agendas aussi de certains. Le réseautage à Cannes est basé sur un simple donnant-donnant. Qu’est-ce qu’Aiswharya Rai Bachchan aurait à gagner à discuter avec nous, par exemple ? Clairement rien.
Cannes restera cependant une expérience hors-norme. Échanger quelques mots avec les stars, c’est précieux. Voir leur sourire quand ils sont reconnus par des étrangers, dans un environnement comme ce Festival, a quelque chose de magique. Nous avons fait de notre mieux pour les avertir qu’il y a un public ici. Au final, c’était peut-être ça, la raison de notre présence. Pas forcément créer du contenu, mais plutôt montrer qu’il existe une communauté française qui aime autant les gros masala que les films plus indépendants. Qui est capable de reconnaître Alia Bhatt dans la rue, tout en saluant une réalisatrice comme Payal Kapadia. Qui a vu et revu les séries télé de stars comme Mouni Roy ou Karan Tacker, tout en gardant un œil sur les projets de Tillotama Shome ou de la productrice Guneet Monga. Qui va fredonner les chansons de La Famille Indienne devant Karan Johar, mais va aussi rappeler à Vishal Jethwa qu’il a été incroyable pour ses débuts dans Mardaani 2.
Nous ne serons jamais complètement satisfaites de notre travail, c’est un fait. Mais nous donnerons toujours le meilleur de nous-même, que ce soit au Festival de Cannes ou ailleurs. Nous verrons bien ce que 2026 nous réserve…
Retrouvez très bientôt notre épisode de podcast spécial Cannes, dans lequel vous aurez davantage de détails sur notre aventure ! En attendant, merci d’être toujours là. 2025 signe aussi nos 15 ans et c’est toujours un plaisir d’être là pour vous.