Conversation avec Ishaan Khatter et Vishal Jethwa, entre fiction et catharsis.
22 mai 2025

Bolly&Co : Bienvenue à Cannes, Ishaan et Vishal ! Et félicitations pour la sélection de Homebound. Tout d’abord, j’aimerais savoir quelle a été votre réaction en apprenant que le film était sélectionné ici ?
Vishal Jethwa : Je n’ai pas réussi à assimiler tout de suite, en fait. Je ne comprenais pas, j’avais des frissons, c’était quelque chose de très important dans ma vie. Je n’arrivais pas à vraiment réaliser, car bien sûr, je connaissais le Festival de Cannes, mais je prends conscience de sa valeur petit à petit, jour après jour. Et quand j’ai appris la nouvelle, j’étais très heureux. La première chose que j’ai faite, c’est d’aller chez moi et de l’annoncer à ma mère. Elle aussi ne savait pas vraiment ce qu’était Cannes, mais elle a compris que quelque chose de grand s’était produit dans notre vie. J’étais très heureux, puis une certaine nervosité est montée, cette excitation nerveuse… parce que je ne savais pas comment parler aux gens ici, comment me comporter, comment me présenter. C’est une grande plateforme pour représenter notre film. Et je suis accompagné de très grands noms, qui savent tout sur comment ça marche ici. Bref, j'étais nerveux et heureux à la fois, et je me sens privilégié d'être entouré de gens aussi doués pour me guider dans cette folle aventure.
B&C : Ishaan, et toi ? Tu as déjà été sur des plateformes internationales, on t’a vu récemment à l’étranger dans la série The Perfect Couple… Mais être ici à Cannes pour présenter ton film, qu’est-ce que ça te fait ?
Ishaan Khatter : Je suis content de ne pas avoir eu à répondre à la question en premier, parce que c’est dur à exprimer. (rires) Comment mettre un cri de joie en mots ? C’est comme ça que j’ai réagi à l’annonce de Cannes.
B&C : J'aurais réagi de la même manière !
IK : C’est un moment très particulier pour moi. J’ai une jeune carrière donc c'est court pour parler de boucle bouclée... Mais là, c’est ce que je ressens. J’ai toujours été un passionné de festivals. J’assistais à tout ce que je pouvais, parfois jusqu’à 6 films par jour, 30 par semaine… C’est comme ça que je me suis formé au cinéma. Et Cannes, c’est le sommet, la Mecque du cinéma. J’ai toujours rêvé d’y venir avec mon film. Et là, c’est le cas. C’est irréel. Ça me semble à la fois rêvé et mérité. Mais plus que tout, je ressens quelque chose de fort pour le film et pour Neeraj (Ghaywan, le réalisateur, ndlr). Je suis fier de ce film. C’est le genre de travail que j’ai toujours voulu faire : profond, significatif. Le film a une conscience sociale, un cœur battant, un regard plein d’empathie. Et ça, c’est grâce à Neeraj.

B&C : C’est vrai, vous m’avez fait pleurer, vraiment. Félicitations à tous les deux ! Vous avez chacun un parcours très intéressant. Ishaan, tu as commencé ta carrière avec Majid Majidi dans Beyond the Clouds, de la plus belle des manières. Depuis, tu as exploré tant de formats… Qu’est-ce qui rend Homebound si spécial pour toi, comme artiste et comme personne ?
IK : Je vais répondre d’abord comme être humain, car je pense que tout art vient de notre expérience humaine. Le premier conseil que Majid Majidi m’a donné - le meilleur de ma vie - n’était pas un conseil d’acteur. Il m’a dit avant le tournage : « Je vois que tu veux être un grand acteur, un grand artiste. Concentre-toi d’abord sur le fait d’être une bonne personne. Tout viendra de là. »
VJ : C’est ce que mon mentor m’avait aussi dit. Avant d’être un bon acteur, sois une bonne personne.
IK : Exactement. Et on essaie toujours de l’être. Ce film m’a trouvé à un moment où j’en avais besoin. Parfois, dans cette industrie, on a tant à exprimer, mais les opportunités ne suivent pas. Ce film est arrivé à un moment où j’avais vraiment besoin de dire quelque chose. Neeraj m’a donné cette opportunité.
Aussi, tous les personnages du film sont écrits avec beaucoup de sensibilité. Le mien, Shoaib, est un personnage très rare, très beau, qui lutte contre vents et marées. Il est obstiné, veut s’en sortir coûte que coûte. C’est un optimiste éternel. Mais quand on voit les fissures apparaître en lui, ça vous brise le cœur. Moi, ça m’a bouleversé à la lecture. C’est une opportunité rare pour laquelle je suis très reconnaissant.
B&C : C’est fantastique ! Vishal, tu as fait des débuts remarquables dans Mardaani 2. Puis tu as enchaîné avec ta prestation bouleversante dans Salaam Venky. Tu sembles toujours chercher des rôles exigeants et émotionnellement profonds. Comment t’es-tu connecté à ton personnage, Chandan ? Qu’est-ce qui le rend si unique à tes yeux ?
VJ : Quand j'ai commencé à travailler sur ce projet, je ne connaissais pas bien la vie de Chandan, ni la profondeur de ce personnage. En discutant avec Neeraj, j’ai beaucoup appris sur les notions de privilèges, d’identité et d’acceptation de soi. Aussi, je pense que tout le monde a un Chandan caché au fond de lui. Chacun traverse quelque chose. Ce n’est pas de la honte, mais la peur des conséquences, la peur d’être jugé.
S’accepter soi-même, ce n’est pas facile. Il faut parfois des années. Certains n’y arrivent jamais. C’est une chose qu’on ignore souvent. J’ai beaucoup appris, humainement. Je suis devenu une personne plus confiante grâce à ce film. Et puis, ce film sélectionné à Cannes, produit par Dharma Productions… C’est une véritable validation pour moi. Beaucoup ont pensé que je ne ferais que 1 ou 2 films après Mardaani 2. Mais cette opportunité prouve que je suis là pour durer.
Je sais également que je n’ai pas le profil type d’un acteur commercial de Bollywood. Mais ce film m’a tant apporté. J’espère avoir d’autres opportunités comme celle-là. Je remercie sincèrement Neeraj, Dharma Productions, Karan Johar ainsi que tous les directeurs de casting qui m’ont fait confiance.

B&C : Ce que j’aime chez vous, c’est que vous ne suivez pas un chemin tracé. Vous créez votre propre voie. Il n’y a pas qu’une seule formule pour réussir en tant qu'artiste. Vous suivez votre vérité. Et dans le film, ce qui m’a vraiment marquée, c’est votre alchimie à l’écran. On croit totalement à la relation entre Shoaib et Chandan, liés comme deux frères. Comment avez-vous créé ça ? Y a-t-il eu des répétitions, des ateliers ? Ou était-ce davantage naturel et instinctif ?
IK : On a vite compris que leur relation était le cœur du film. Tout repose sur ça. On a d’abord cherché à développer notre propre alchimie naturelle, avant de construire celle des personnages. On a travaillé, bien sûr, mais ce n’était pas difficile. Neeraj nous a beaucoup soutenus. L’équipe aussi. On a même tourné des scènes improvisées qui ne sont pas dans le film, pour créer notre dynamique.
Même à distance, on faisait des sessions sur Zoom, on plaisantait entre nous comme les personnages l’auraient fait. Et on a aussi beaucoup travaillé sur le dialecte, pour qu’il devienne naturel, jusqu’à pouvoir improviser en restant dans les rôles.
VJ : Et aujourd’hui, je peux dire qu’Ishaan est une bonne personne. Il est ouvert, il accepte tout, sans jugement. On a eu des conversations profondes, parfois inconfortables, mais il a toujours écouté avec empathie. Je lui ai même envoyé un message vocal pour lui dire combien c’était précieux d’avoir quelqu’un comme lui.
B&C : Cette connexion authentique se ressent à l'écran.
IK : Oui, surtout que ce film parle d’empathie, d’inclusion, de regard bienveillant. Il était donc nécessaire de l’incarner aussi pendant le tournage et pas seulement dans le jeu.
B&C : Dernière question avant que nous nous quittions ! Comment avez-vous vécu la projection d’aujourd’hui ?
VJ : C'était très émouvant. J'avais envie d’aller m’asseoir à côté d’Ishaan, juste pour partager ce moment sacré qu’on a traversé ensemble. C’était un moment très fort.
IK : Je vais faire court : je suis très fier de ce film. Rien ne pourra changer ça. Je pense qu’il a été très bien reçu. J’ai senti une émotion collective dans la salle. Je suis heureux pour Neeraj et que ce film ait trouvé sa voix. Et qu'il ait été acceptée ici, à Cannes.
B&C : Merci, encore félicitations. Soyez fiers de vous.