Critique de Thalaivan Thalaivii, une comédie savoureuse à l'arrière-goût d'arnaque...
30 juillet 2025

J’étais curieuse de retrouver le duo formé par Vijay Sethupathi et Nithya Menen, deux comédiens que j'affectionne particulièrement et qui avaient déjà été réunis à l’affiche de 19(1)(a) (2022), un thriller d'investigation malayalam dans lequel ils partageaient toutefois très peu de scènes. Ici, leur alchimie fait littéralement mouche. Il y a chez eux une complicité pleine de malice et de séduction. Ils sont généreux, impliqués, d’une telle sincérité qu’on croit à leur couple dès les premiers instants. Mais il faut quand même se le dire : leur romance, ce n’est pas vraiment le cœur du récit.
Car Thalaivan Thalaivii, c’est avant tout le quotidien – que dis-je, la galère – de la vie après le mariage ! Le message est limpide : quand on épouse quelqu’un, on épouse aussi sa famille.
Et s’il y a un point sur lequel le métrage ne fait pas de compromis, c’est bien sur la peinture – pour le moins vacharde – d’une belle-famille envahissante. Mention spéciale à Chemban Vinod Jose, dans le rôle du père de l’héroïne… Quelle joie de le retrouver, lui que j’avais découvert il y a quelques années dans le poignant Ee.Ma.Yau (2018). En effet, l'acteur dégage une force tranquille, rendant son personnage à la fois mystérieux et attachant. De son côté, Deepa Shankar dans la peau de la méchante belle-mère, atteint des sommets d’irascibilité : à force de la voir tyranniser tout le monde, on finit nous-mêmes sur les nerfs !
Sur la forme, la narration non linéaire et le montage de Pradeep E Ragav - dont j’avais beaucoup apprécié le travail sur la romcom Love Today (2022), parviennent à dynamiser un récit pourtant cousu de fil blanc. Le rythme vif, le ton léger, les dialogues bien sentis… Tout cela fait qu'on se laisse volontiers embarquer. Parce qu'on rit et qu'on est diverti, la narration ne nous laisse pas le temps de nous interroger… Du moins, jusqu’à la sortie, où l’on digère douloureusement quelques couleuvres : le film, tout efficace soit-il, laisse hélas un goût amer a posteriori.
Parce qu’au fond, tout ce petit monde aurait bien besoin d’une thérapie !
L’œuvre empile les situations familiales toxiques, mais ne les interroge jamais. C’est comme si la toxicité devenait un trait charmant, une bizarrerie attachante, qui n'est absolument pas remise en cause. N’attendez donc pas de Thalaivan Thalaivii un drame familial ou une plongée psychologique... Pandiraj se contente ici de jouer avec les archétypes pour servir le comique de situation. C'est certes amusant, mais c'est surtout cruellement fainéant.
Un autre aspect qui m’a frappée dans Thalaivan Thalaivii, c’est l’absence criante de libre arbitre des personnages principaux.
On sent que Perarasi (incarnée par Nithya) et Agasaveeran (campé par Vijay) ne sont jamais vraiment maîtres de leurs choix : ils naviguent entre les crises et les caprices de familles bruyantes, enchaînés à des allers-retours stériles, sans jamais prendre une vraie décision pour eux-mêmes. La mise en scène enchaîne les séquences de disputes bruyantes, durant lesquelles tout le monde crie, mais personne n’agit. On aimerait voir ces personnages poser un acte fort, s’affirmer et finalement s’émanciper. Mais au lieu de ça, ils restent prisonniers d'un cercle familial vicieux, prisonniers d’une toxicité que l’histoire présente comme normale voire charmante, au lieu de la déconstruire.
Le métrage finit même par forcer sa résolution. Quoi qu’ils aient traversé, malgré toute la maltraitance, les mensonges et la manipulation, le couple n’a en fait jamais le choix de se séparer ou de trouver sa propre voie. L’idée même que la rupture ou le changement soient possibles n’existe tout simplement pas dans cet univers. Les protagonistes doivent endurer et composer, sans jamais dévier du scénario écrit pour eux par leur famille et, au fond, par le film lui-même. C’est d’autant plus regrettable que l'indubitable osmose qui lie Vijay et Nithya aurait pu servir à un récit d’émancipation ou, tout au moins, à porter des personnages qui expérimentent véritablement le doute et le choix. Au contraire, Thalaivan Thalaivii demeure décidément enfermé dans ses propres carcans.
Côté musique, Santosh Narayanan livre une partition harmonieuse, discrète mais sympathique. Je recommande tout particulièrement « Aagasa Veeran », que j’écoute en boucle depuis ma séance.
En conclusion
Ai-je passé un bon moment ? Oui, indubitablement. Mais suis-je gênée par le message véhiculé ? Clairement. En définitive, j'ai surtout l'impression de m'être faite avoir, de m'être laissée charmer par la forme et la cadence de l’œuvre pour en conscientiser, hélas trop tard, les multiples carences. Thalaivan Thalaivii constitue donc un film plaisant sur le moment, mais difficile à justifier à la réflexion…
LA NOTE: 3/5