3 films qui disent tout de... Anurag Kashyap
17 septembre 2025

Le temps d’un article, découvrez Anurag Kashyap, si vous ne le connaissez pas déjà...
Anurag Kashyap, en bref…
Fait Chevalier des Arts et des Lettres par le gouvernement français en 2013, Anurag Kashyap est l’enfant terrible de Bollywood. Celui qui casse tous les codes, brave tous les interdits. Longtemps renié par ses pairs mais adoubé par la presse internationale. Véritable habitué du Festival de Cannes, où cinq de ses réalisations ont été projetées dans plusieurs sélections. Anurag Kashyap, c’est d’abord un metteur en scène rugueux, sulfureux et engagé.
En 1998, alors qu’il est devenu proche de cinéastes comme Sriram Raghavan et Hansal Mehta, il écrit le film Satya, dirigé par Ram Gopal Varma. Le succès critique et populaire de ce métrage lui donne le courage de se lancer dans la réalisation dès 2000 avec Paanch, un thriller inspiré d’un fait divers sordide. Mais le bureau de censure indien bloque la sortie du film pour ses scènes de sexe et sa violence crue. Bien qu’il obtienne une certification en 2001, Paanch ne sortira jamais en salles en raison de conflits avec ses producteurs. L’histoire se répète en 2004 avec Black Friday, plongée dans les attentats de Bombay de 1993, dont la sortie est retardée par de nombreuses batailles judiciaires.
Ces échecs successifs le rendent amer, tout comme le projet avorté Allwyn Kalicharan avec Anil Kapoor. C’est donc logiquement qu’il met en scène son film manifeste, No Smoking (2007), œuvre inclassable qui symbolise sa rage envers une industrie qui le rejette. Deux ans plus tard, il retrouve la critique et le public avec Dev D (2009), un ovni visuel qui revisite le mythe de Devdas à travers l’esthétique de la pop culture et des néons psychédéliques. Anurag Kashyap s’impose alors comme la figure de proue du cinéma indépendant indien, capable de donner vie à des films puissants à petit budget.
Par ailleurs, son influence dépasse les frontières. Danny Boyle cite son Black Friday comme une source d’inspiration majeure pour l’univers de slumdog Millionaire (2008), film oscarisé à 8 reprises. Tout au long de sa prolifique carrière, Anurag Kashyap poursuit son exploration des ténèbres humaines dans des œuvres marquantes comme Gulaal (2009), Ugly (2014), The Mumbai Murders (2016) ou encore Manmarziyaan (2018). Acteur jubilatoire à ses heures, il s’illustre aussi au cinéma dravidien en y incarnant des antagonistes redoutables (Imaikkaa Nodigal, Maharaja, Rifle Club). En 2020, il joue de son image de provocateur dans AK vs AK, satire méta signée par son ami Vikramaditya Motwane, où il mène la vie dure à une vieille connaissance : Anil Kapoor.
Ces 3 films qui disent tout de lui…
No Smoking (2007)
Réalisateur et scénariste
Sorti en 2007
Inspiré librement d’une nouvelle de Stephen King, No Smoking est probablement l’œuvre la plus intime et personnelle de la filmographie d'Anurag Kashyap. Derrière l’histoire d’un homme contraint d’arrêter de fumer au risque de tout perdre, le réalisateur livre une œuvre métaphorique sur sa condition d’artiste brimé par les institutions. Conçu comme un labyrinthe visuel et narratif, ce métrage déroutant a profondément divisé spectateurs et critiques, mais il est depuis devenu culte auprès des cinéphiles. Sélectionné par plusieurs festivals et nommé par trois fois aux Filmfare Awards, il demeure l’allégorie parfaite de la lutte du metteur en scène contre un système répressif.
Gangs of Wasseypur (2012)
Réalisateur, co-producteur et co-scénariste
Sorti en 2012
Avec ce diptyque de plus de cinq heures, Anurag Kashyap livre sa fresque épique, son chef-d’œuvre. Gangs of Wasseypur raconte l’ascension et la chute de plusieurs générations d’une famille plongée dans les guerres mafieuses du charbon à Dhanbad. Ce film de gangster s’inspire autant de Coppola et de Scorsese que des fresques tarantinesques, tout en injectant une verve indienne unique, brute et musicale. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes ainsi qu'à Sundance, il raflera 4 Filmfare Awards dont celui du Meilleur Film selon la critique. Grâce à sa mise en scène flamboyante et à son portrait sans concession de la société indienne, Anurag Kashyap s’impose avec ce film définitivement comme l’un des cnéastes les plus audacieux du pays. À noter que, grâce à la bande-originale, Sneha Khanwalkar devient la seconde femme nominée aux Filmfare Awards dans la catégorie du Meilleur Compositeur.
Mukkabaaz (2018)
Réalisateur, co-producteur et co-scénariste
Sorti en 2018
Avec Mukkabaaz, Anurag Kashyap opère une synthèse parfaite entre son cinéma politique et son goût pour les destins tragiques. Le métrage suit un boxeur de l’Uttar Pradesh bien décidé à se faire un nom malgré les entraves sociales, religieuses et politiques. Derrière le récit sportif s’anime une critique acerbe du système castéiste, de la montée des extrémismes et de l’abandon des classes populaires. Plus accessible que d’autres de ses films, notamment grâce à son humour, Mukkabaaz conserve la fureur visuelle et narrative propre au cinéaste, tout en lui permettant d'y explorer un registre plus émotionnel. Présenté à Toronto et largement salué par la critique, l'oeuvre confirme la capacité du metteur en scène à alterner entre cinéma d’auteur engagé et récits grand public.
Le mot de la fin
En conclusion, Anurag Kashyap est un cinéaste à la fois marginal et incontournable, un artisan de la disruption qui ne cesse de réinventer le cinéma indien. Ses échecs deviennent des œuvres culte, ses succès des jalons historiques. Qu’il expérimente avec le surréalisme, qu’il réinvente le film de gangsters ou qu’il se penche sur les fractures sociales, Anurag Kashyap propose sempiternellement des œuvres qui bousculent, qui dérangent et plus que tout, qui élèvent ses spectateurs.
