Critique de The Ba***ds of Bollywood, la série qui brille plus qu’elle ne bouscule…
21 septembre 2025

Impossible de dissocier la naissance du programme du poids de cet héritage familial, si bien que sa simple existence est déjà un commentaire en soi : un travail d’enfant de star sur une industrie rongée par le népotisme… Qu’est-ce que ça peut donner ?
Ironie du sort, alors que le showrunner est lui-même un népokid notoire, son show opte pour une distribution presque entièrement composée d’outsiders. Lakshya, récemment remarqué dans Kill, porte ici l’histoire dans la peau de Aasmaan, un jeune acteur qui, après un premier succès surprise, découvre brutalement l’envers du décor de Bollywood. L’intensité sombre et magnétique du comédien s’oppose à l’exubérance visuelle et clinquante du monde qu’Aryan met en scène, et ce contraste irrigue la série d’une vraie tension dramatique. Face à lui, Sahher Bambba, révélée en 2019 dans Pal Pal Dil Ke Paas, compose une enfant de la balle précise et convaincante, dont les mimiques semblent héritées des star-kids Janhvi Kapoor, Sara Ali Khan ou Ananya Panday. Quant à Raghav Juyal, il est une indéniable révélation : en meilleur ami fidèle et facétieux, il crève l’écran aussi bien dans les séquences comiques que dans les moments de pure émotion. Manoj Pahwa, en oncle chanteur, ajoute une touche de légèreté savoureuse. Mona Singh campe de son côté une mère mystérieuse et bouleversante, et ce tandis que Bobby Deol, en ersatz de Ajay Devgn, paraît moins inspiré. S’il reste correcte, il manque à la fois de subtilité et de force.
La grande force de The Ba***ds of Bollywood tient dans sa capacité à opérer un double mouvement : Aryan Khan construit un récit de dénonciation du système tout en injectant dans chaque épisode des fragments reconnaissables de ses propres expériences.
Le spectateur averti se délecte d’identifier les clins d’œil à la vie de l’auteur, à ses déboires publics, mais aussi aux grands classiques du cinéma hindi. Om Shanti Om, Kuch Kuch Hota Hai et La Famille Indienne sont pillés avec gourmandise, réemployés, réinterprétés ou même détournés. Aryan Khan a scrupuleusement étudié la filmographie paternelle et, malgré un côté « exercice de style » parfois appuyé, compose un hommage vibrant à l’univers de Shahrukh. Ces références offrent au spectateur initié un véritable jeu d’érudition, mais soulignent également une limite : sans ce bagage culturel, une partie du public peut rester sur la touche, incapable de saisir la densité des symboles.
Officiellement, la série s’affiche comme une charge frontale contre les dérives de Bollywood : contrats d’exploitation, hypocrisie des cercles fermés, omniprésence du népotisme et désinformations médiatiques.
Et il faut reconnaître à Aryan le mérite d’avoir osé mettre en scène certaines piques directes, parfois cinglantes. Mais au-delà de cette façade courageuse, The Ba***ds of Bollywood ne va jamais au bout de son ambition critique. Chaque fois que la fiction pourrait basculer vers une réelle dissection des mécaniques systémiques, Aryan se ravise, comme prisonnier d’une loyauté implicite envers l’industrie qui l’a vu naître et qui, demain, pourrait le consacrer. Le discours critique reste donc épidermique, presque ludique, sans atteindre la profondeur espérée.
La série joue également sur un autre ressort populaire : les caméos. Grâce au carnet d’adresses doré de son papa, Aryan parvient à saupoudrer sa série de prestigieux invités. Certains apparaissent comme de simples clins d’œil sans retombée narrative, à l’image de Salman Khan ou d’Aamir Khan, presque anecdotiques. D’autres, en revanche, s’intègrent véritablement à la dramaturgie ou volent la vedette le temps d’une scène. Si Ranveer Singh et Karan Johar s’en sortent avec brio en se tirant dans les pattes, c’est surtout Emraan Hashmi qui parvient à marquer durablement la mémoire du spectateur.
Musicalement, la série s’appuie sur la complémentarité inventive de Shashwat Sachdev, Anirudh Ravichander et Ujwal Gupta.
Véritable joyau de cette bande-son éclectique, « Tenu Ki Pata », interprété par Diljit Dosanjh, s’impose comme le tube à retenir, au point de tourner en boucle dans ma playlist bien après le visionnage.
Sur le plan formel, Aryan Khan ose une esthétique bigarrée, clinquante, souvent référentielle. Le plaisir assumé de la démesure rappelle fortement Farah Khan et plonge la série dans un masala visuel qui capte immédiatement l’attention. Mais ici encore, les limites d’un jeune réalisateur se révèlent : derrière l’énergie, le spectacle manque parfois d’identité propre, oscillant entre hommage et pastiche.
Le plus grand atout d’Aryan reste toutefois son sens du rythme.
Les sept épisodes s’enchaînent avec fluidité, alternant moments de fulgurance et scènes de pure comédie dramatique. Pourtant, certaines failles d’écriture trahissent encore l’inexpérience de son auteur. Beaucoup de ressorts narratifs sont trop lisibles, certaines blagues se répètent jusqu’à perdre de leur impact et, dans les deux derniers épisodes, la série s’essouffle. Le récit s’étire artificiellement, comme pour ménager une montée en tension vers un climax final. Celui-ci, peu original dans son essence, reste suffisamment entraînant pour compenser ces faiblesses et maintenir l’intérêt.
En conclusion
The Ba***ds of Bollywood est une œuvre paradoxale. A mi-chemin entre hommage vibrant et tentative de critique, entre pastiche clinquant et drame réflexif, la série amuse, séduit et parfois fascine… mais bouleverse rarement. Dense, colorée, bardée de références, elle est pensée comme une déclaration d’amour conflictuelle à Bollywood : simultanément célébration et mise en accusation. Pourtant, à force de vouloir ménager la chèvre et le chou, Aryan Khan signe un essai attachant mais timide.
On s’amuse des caméos, on savoure le casting, on admire le rythme et la virtuosité superficielle d’un premier essai spectaculaire. Mais lorsque le générique final s’affiche, on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qu’aurait donné ce projet avec un réalisateur plus mûr, plus incisif, et surtout moins enclin à l’autocensure. The Ba***ds of Bollywood est donc un divertissement de bonne facture, plaisant et parfois brillant, mais en définitive frustrant. Une série qui promet une gifle et ne délivre qu’une caresse.
The Ba***ds of Bollywood, une série Netflix
Disponible depuis le 18 septembre 2025
LA NOTE: 3/5