Critique de Aabeer Gulaal, une tendre romance frappée par la censure...
24 septembre 2025

A l’étranger, et notamment en France, le film échappe à ce contexte tendu et peut ainsi être accueilli pour ce qu’il est vraiment, et non comme un objet polémique.
Le poids du genre et ses clichés
Soyons clairs : narrativement, Aabeer Gulaal n’invente rien. Le film déploie en série tous les archétypes de la comédie romantique : le duo contrasté "grumpy vs sunshine", la fausse relation, les révélations du passé ou encore l’indémodable "enemies to lovers"… En s’appuyant avec autant de systématisme sur ces schémas narratifs poncés, Aarti S. Bagdi prend le risque d’un effet criard, accentué par une écriture parfois trop appuyée et une mise en scène qu’on pourrait qualifier de fonctionnelle, sans recherche particulière de singularité visuelle. On sent un cinéma appliqué, soucieux de cocher des cases plutôt que de questionner le genre.
Pourtant, c’est précisément dans ce classicisme que réside la surprise. Là où d’autres métrages s’effondreraient dans la banalité, celui-ci parvient à toucher, non grâce à son scénario, mais grâce à ses interprètes et à une indubitable sincérité de ton.
La direction d’acteurs comme force centrale
Le retour de Fawad Khan, dans le rôle de Aabeer, figure centrale et introvertie, constitue un premier point d’ancrage solide. Le comédien joue sur une palette retenue, une opacité qui fait écho à ce qu’on attend d’un personnage sculpté par l’austérité et la mélancolie. A l’opposé, Vaani Kapoor éclaire l’écran : elle campe une Gulaal à la fois archétypale et pleinement incarnée, dont l’énergie solaire transcende la mécanique du récit. Ce n’est pas simplement une performance séduisante, c’est une interprétation qui dépasse le rôle convenu pour donner chair à un stéréotype avec un élan enchanteur. Et c'est là que réside peut-être le secret de l’œuvre : ne jamais faire semblant d’innover, mais donner à voir de vieilles figures avec une profonde authenticité. Ridhi Dogra, dans un second rôle inattendu, vient compléter ce jeu de contrastes, donnant une densité salvatrice à un dernier acte qui aurait, sans elle, risqué de s’effilocher.
Une musique qui sculpte l’émotion
Il serait impossible d’évaluer Aabeer Gulaal sans souligner l’apport essentiel de la musique d’Amit Trivedi. Paradoxalement plus inspirée que la réalisation elle-même, sa partition donne au film l’aura que son écriture seule ne suffisait pas à atteindre. Les mélodies « Khudaya Ishq », « Doriyaan » et « Angreji Rangrasiya » s’imposent comme de véritables respirations narratives, prolongeant l’émotion des personnages bien au-delà de ce que les dialogues expriment. Amit Trivedi rappelle donc ici combien la bande-originale peut fonctionner comme une seconde écriture du film, parfois plus fine et plus juste que celle du scénario.
Les limites d’un récit trop dilaté
Le défaut le plus manifeste demeure cependant le rythme. Ses 2h20, alourdies d’arcs narratifs superflus, finissent par épuiser l’attention, surtout dans un deuxième acte qui stagne. On aurait gagné en intensité avec une durée plus contenue, autour d’1h45 peut-être, capable de préserver l’énergie accumulée au début et de donner une vraie force cathartique à la fin. Ce manque de concision empêche le métrage d’atteindre une efficacité dramatique optimale et le cantonne à un registre de "spectacle doudou".
Un cinéma de réconfort
Pourtant, réduire Aabeer Gulaal à ses longueurs et à ses clichés serait passer à côté de son ambition implicite. En effet, le film n’entend pas révolutionner la comédie romantique, ni la moderniser, ni même la détourner. Il choisit au contraire d’assumer la force du déjà-vu, de se lover dans les codes pour en faire émerger un sentiment de confort immédiat. Regarder Aabeer Gulaal, c’est accepter une simplicité parfois désarmante, un jeu qui repose moins sur le suspense narratif que sur la réassurance émotionnelle.
En conclusion
C’est en cela que le film s’avère attachant : parce qu’il ne prétend pas étonner, il se contente de réconforter. En cet automne où l’on recherche volontiers ce genre de cinéma "doudou", Aabeer Gulaal offre exactement ce qu’on attend : pas une révolution, mais une caresse narrative et sentimentale.
Aabeer Gulaal, en salles depuis le 12 septembre
Une sortie Friday Entertainment
LA NOTE: 3/5