Critique : Satyaprem Ki Katha (★★★★☆)

vendredi 30 juin 2023
Satyaprem Ki Katha critique bollywood
Je vais être honnête avec vous. Je me suis déplacée ce jeudi jusqu’au Gaumont Saint Denis dans l’espoir de découvrir le nouveau film de Mari Selvaraj, Maamannan, non seulement parce que j’ai adoré son Pariyerum Perumal, mais aussi parce que je suis une fan inconditionnelle de Fahadh Faasil.

Tout était calculé : j’ai réservé mon billet en matinée et après le travail, je me suis rendue directement dans mon fief dédié aux films indiens, dans le 93. Mais arrivée devant le cinéma, mon billet est introuvable ! J’ai beau fouiller partout dans mon téléphone, que ce soit dans l’application Pathé ou dans ma Wallet… Rien. Je me dis que ce n’est pas très grave, que je peux toujours réserver un nouveau billet… Impossible. La séance est bien affichée sur l’application mais la réservation est compromise à chacune de mes tentatives. De même sur la borne du cinéma. Un peu dépitée, je m’apprête à rebrousser chemin lorsque je me souviens qu’un autre film indien est sorti ce jour : Satyaprem Ki Katha. Pfffff… Encore Kartik Aaryan, avec lequel j’ai un blocage quasi épidermique ! Mais je préfère y aller plutôt que de rentrer bredouille… Et quelle chance : une séance du film commence dans 5 minutes ! C’est parti pour souffrir…

Et elle commence particulièrement mal. Pas de scène, pas de dialogue, juste Kartik Aaryan qui gigote bêtement en dhoti sur le titre “Gujju Pataka”. Et ce alors que le film se déroule au Gujarat… Quel intérêt, si ce n’est celui de surfer inutilement sur la popularité de la communauté du sud de l’Inde ? Aussi, ce mec doit vraiment arrêter de se prendre pour Allu Arjun, ça commence à devenir gênant ! Vu que le temps risque d’être long, je vérifie la charge de mon téléphone, qui m’accompagnera probablement durant cette pénible séance…

Les 15 premières minutes pataugent douloureusement. Puis soudain, Satyaprem Ki Katha commence à être digne d’intérêt.

Sans même m’en rendre compte, je range mon téléphone dans le fond de mon sac et ne le retrouverai qu’à la fin de la projection. Parce que Satyaprem Ki Katha m’a cueillie, et a même réussi la prouesse de me rendre ce bougre de Kartik Aaryan sympathique !

Alors, comment expliquer un tel miracle ?



Je ne vais pas vous exposer le pitch du film qui, d’ailleurs, ne saurait pas lui faire honneur. Tout ce qu’il y a à savoir, c’est que Satyaprem Ki Katha est une histoire d’amour, comme je n’en ai pas vu depuis longtemps. Et avec la tête de benêt de Kartik, c’était pourtant mal barré ! Mais il faut avouer qu’il colle à merveille au personnage naïf de Satyaprem, qui nous émeut par sa bienveillance et sa sincérité. L’acteur se fait oublier pour donner du corps à son rôle, et à sa relation avec Katha. Cette dernière, campée par une Kiara Advani impériale, est le véritable héros de l’histoire.

Katha est une héroïne dramatique comme le cinéma de Bollywood n’en faisait plus : hypnotique, entière et bouleversante.

Kiara a du Madhuri Dixit en elle dans ce rôle ô combien complexe. Elle fait vivre le récit de Katha et génère chez le spectateur une sympathie immédiate pour ce personnage. A ma grande surprise, le couple que les deux comédiens forment est délicieux, et ce alors que je ne leur trouvais aucune alchimie dans Bhool Bhulaiyaa 2, leur première collaboration. Mais ils sont selon moi surtout aidés par l’écriture maîtrisée de Karan Shrikant Sharma, dont la narration va de surprise en surprise. Les révélations sont savamment dosées et surtout, elles s’inscrivent dans l’intérêt du métrage. Lorsqu’on a l’impression que l'œuvre suivra un sillage téléphoné, elle parvient à aller là où on ne l’attend pas et à poser des enjeux rafraîchissants, tout en restant fidèle à son identité de drame romantique.

Et c’est selon moi la force principale de Satyaprem Ki Katha, qui prend d’ailleurs une nouvelle dimension après l’entracte : le fait qu’il embrasse pleinement son genre ! Pas de scène comique lourdingue ni de monologue prétentieux pour Kartik… Le film sait ce qu’il est et y va à fond !

Il a également un profond respect pour ses protagonistes, dont la caractérisation est également impeccable ! Et que c’est rare de voir des personnages si bien écrits dans un film hindi populaire d’aujourd’hui ! Le Satyaprem de Kartik a toujours à cœur de mieux comprendre sa chère et tendre, tandis que la Katha de Kiara n’est jamais en fermeture permanente. Chacun fait l’effort d’aller vers l’autre tout en composant avec sa propre histoire et avec ses blessures. On ne cherche pas à accélérer la résolution de conflit comme par magie, et lorsque le métrage ose parler du drame vécu par son héroïne, il s’attache à en traiter les conséquences, et insiste sur le fait qu’après un tel traumatisme, il faille tout simplement laisser le temps faire son œuvre. De même, si la communication entre Satyaprem et Katha est progressive, elle ne l’est jamais pour générer du mélodrame, ni pour tirer en longueur la trame. Tous les questionnements des héros et toutes leurs réactions sont cohérentes et légitimes.

Niveau musique, si je trouve personnellement “Gujju Pataka” assez inaudible, l’album tel qu’il nous a été proposé avant la sortie du film est relativement efficace. Et si je leur en veux encore d’avoir touché à l’iconique chanson pakistanaise “Pasoori”, d’autres titres sauront trouver grâce à vos yeux. Du tendre “Naseeb Se” au bouleversant “Aaj Ke Baad”, en passant par le son de garba “Sun Sajni”, plusieurs morceaux vous resteront longuement en tête. Mais la surprise du film vient d’une chanson qui n’est, à ce jour, pas encore sortie : “Le Aaunga”, interprétée par Arijit Singh et qui constitue pour moi le bijou de cette bande-originale. Si comme moi, vous commenciez à faire une overdose du chanteur, cette complainte captivante risque bien de vous réconcilier avec lui !

En conclusion



Satyaprem Ki Katha est non seulement loin du navet auquel je m’attendais, mais il s’agit surtout d’un drame romantique exquis. Il faudra vous accrocher dans sa première partie mignonne mais assez brouillonne pour donner sa chance au métrage qui, dans sa seconde moitié, est absolument saisissant. Le film n’est pas exempt de défauts, que ce soit dans son mixage ou dans sa mise en scène hybride, entre l’ambition d’un Sanjay Leela Bhansali et la modestie d’un Amit Sharma. Le réalisateur Sameer Vidwans pioche dans ces multiples inspirations, partant d’ailleurs d’un postulat semblable à ceux de films comme Woh 7 Din (1983) et Hum Dil De Chuke Sanam (1999). Mais il ne parvient jamais à réellement trouver son propre style visuel. C’est souvent joli à regarder, mais ça manque toutefois de caractère.

Cela dit, il peut notamment remercier son scénariste dont le travail d’écriture est bien plus abouti, malgré quelques facilités et une appétence pour le drame pleinement assumée. Si j’ai eu peur que le film entre dans le schéma du sauveur (que je vous décrivais dans cet article investigation), Satyaprem est davantage un soutien qui amène Katha à cheminer par elle-même.

En tout cas, j’ai passé un magnifique moment devant cette romance pur sucre, entre retour aux sources et véritable engagement. J’ai d’ailleurs lâché de grosses larmes à de nombreux instants tant l’émotion y est généreuse. Alors foncez pour découvrir cette œuvre attendrissante sur grand écran !

Satyaprem Ki Katha, sorti le 29 mai 2023 et distribué par Friday Entertainment.

LA NOTE: 4/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?