Critique : Jawan (★★★☆☆)

lundi 11 septembre 2023
Jawan Shahrukh Khan hindi cinema
Jawan, c’est LA sortie du moment. La combinaison inattendue entre le réalisateur tamoul Atlee (Theri, Mersal, Bigil…) et notre King Khan mondial ! Et comme beaucoup d’entre vous, l’équipe de Bolly&Co a foncé au cinéma dès le 7 septembre pour découvrir ce nouveau projet explosif, qui semble reprendre tous les codes du bon vieux blockbuster dravidien.

Mais Jawan est-il un pari réussi pour Shahrukh Khan ? Pour répondre à cette question, deux de nos rédactrices vous donnent leurs avis.



La critique d’Elodie

J’ai détesté Raja Rani, et j’ai plutôt apprécié Bigil. Alors, quand Jawan est annoncé, si je suis à la fois curieuse de retrouver Shahrukh Khan, et toutefois mitigée vis-à-vis d’Atlee. S’il y a bien un genre auquel j’ai du mal à adhérer, c’est le masala. Ces films sans queue ni tête, avec de l’action, du drame, de la romance… Bref, du grand n’importe quoi, parfois. En hindi, en télougou ou en tamil, ça se passe généralement mal pour moi. C’est simple, j’ai un esprit trop pragmatique pour accepter des histoires qui se basent sur des éléments complètement illogiques. A mon sens, il s’agit clairement de films qui ne demandent aucune réflexion, et qui font passer l’image avant l’histoire. Je dirais même qu’il y a beaucoup de fanservice juste pour le plaisir des spectateurs, qui ne sont là que pour applaudir leur star préférée. Je peux donc très vite décrocher, et ne pas m’éclater comme mon voisin de salle.

Il serait donc aisé pour moi de vous lister tout ce que je n’ai pas apprécié dans Jawan. Des incohérences, des problèmes de crédibilité, des répliques dont l’humour me dépasse, des scènes mélodramatiques qui ne me font pas pleurer…

Mais après 2h45, je peux aussi vous admettre une chose essentielle : j’ai quand même passé un sacré bon moment. Pourquoi ? Parce que je suis fan de Shahrukh Khan et qu’ici, Atlee donne tout l’espace à l’acteur pour briller dans chacune de ses scènes.

Et clairement, les références à la carrière du King Khan sont nombreuses ! C’est peut-être même un peu trop, mais le réalisateur semble aussi fan de lui que le public. Ce qui donne lieu à des moments parfois complètement absurdes, mais tellement kiffants. Et c’est ça, le truc : Jawan est toujours dans l’excès. Même lorsque le film change de registre. Ici, Atlee assume à 100% sa volonté de nous faire passer par des centaines d’émotions différentes. Je pense naturellement que parfois, c’est un peu trop et que tout le monde ne va peut-être pas adhérer à ces changements de mood. Mais pour ma part, c’est indubitablement l’une des grandes forces du métrage. Nous sommes face à un divertissement pur et dur. Pas besoin de découvrir qui est qui, et qui fait quoi. Il faut se laisser porter et faire confiance à la réalisation d’Atlee, qui parvient à maîtriser son film d’une manière ou d'une autre.

D’ailleurs, Jawan est conçu pour l’écran de cinéma. En toute honnêteté, je n’aurais sans doute pas passé un aussi bon moment chez moi devant mon ordinateur.

Le cinéma fait toute la différence. La salle était d’ailleurs complète et certaines émotions sont incontestablement contagieuses. Maintenant, comme beaucoup de films du genre, quand c’est terminé, on prend un peu de recul et on réalise qu’il y a des choses qui auraient pu être mieux amenées. Des arcs narratifs plus intéressants que d’autres, et des personnages complètement sous-employés qui auraient mérité davantage d’espace. Jawan est un film qui se découvre, qui possède plusieurs twists que je ne peux pas révéler pour ne pas vous gâcher l’expérience de visionnage. Et bon sang, que j’ai des choses à souligner !

Ce que je peux dire, en revanche, c’est que je n’ai absolument pas trouvé crédible notre bon vieux Shahrukh dans le rôle du père et du fils (et là, je spoile rien, le réalisateur en parlait durant la promotion !). En frère, ça aurait pu être jouable, mais père et fils ? Nah. Ce que je peux vous dire aussi, c’est que dans le rôle du père, bon sang qu’il a du swag et qu’il capture l’écran avec une aisance qui m’avait manqué !

Ce que je peux vous dire, c’est que visuellement, Jawan est incroyable. Tout est fait pour que ça soit agréable à l'œil. Pour qu’on soit captivé par ce qu’on voit, pour ne pas réaliser que derrière, c’est complètement n’importe quoi.

Ce que je peux vous dire, c’est que les messages politiques amenés sont plutôt agréables compte-tenu du contexte actuel en Inde, mais demeurent trop en surface pour qu’il y ait un véritable impact auprès du public.

Ce que je peux vous dire, c’est que l’apparition spéciale de Deepika Padukone est l’un des moments que j’ai le plus adoré du film (oui, oui).

Ce que je peux vous dire, c’est aussi que toutes les actrices du casting sont incroyables. Toutes ! Mais comme par hasard, elles disparaissent rapidement quand notre héros a besoin d’être le centre de l’attention.

Enfin, ce que je peux vous dire, c’est que Vijay Sethupathi méritait encore plus de place à l’écran, tant il est drôle et détestable en villain cartoonesque, mais convainquant.

Quand je visualise ce qui aurait pu être fait différemment pour exploiter davantage les bonnes idées (parce qu’il y en a et c’est bien pour ça que Jawan se regarde du début à la fin !), je me dis qu’encore une fois, je ne suis pas le bon public pour ce type de métrage. Le film mérite la moyenne selon moi, mais je lui rajoute un point en plus pour avoir réussi à m’arnaquer - encore une fois, j’ai vraiment pas vu le temps passer et j’ai souri plus que je ne voudrais l’admettre.

Jawan mérite un épisode de podcast de 3h d’analyse. Alors, les filles de Bollywood versus, je vous attends !
mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
un message à lui envoyer ?


La critique de Fatima-Zahra :

C’est avec la meilleure volonté du monde que j’ai décidé de laisser une chance à Jawan. On peut faire le constat ces dernières années que l’aspect qualitatif des films, séries et, plus généralement, du divertissement est en détérioration. La crise du covid-19 a généré avec elle une crise de qualité. L’abondance de contenu résulte globalement en des propositions peu approfondies. Malheureusement, le dernier bébé de Shahrukh Khan ne fait pas exception.

Micmac, le résultat est assez brouillon.

La graine de deux bonnes idées est présente, l’exécution et les retournements de situation à n’en plus en finir n’aident pas. Tantôt mélodramatique, tantôt masala, Jawan a du mal à trouver sa réelle identité. Le film s’appuie sur un message social et politique appréciable, mais l’ambiance globale est quelque part assez « casa de papel »-esque. Les influences et les références à des genres multiples impactent l’authenticité du métrage. (La pilule bleue et rouge, on en parle ? Les fourmis d’Apocalypto ?)

Pour un rendu qui se veut novateur, la réalisation et le scénario reprennent pourtant tous les anciens codes du divertissement mainstream, sans réflexion profonde. A ce titre, Shahrukh Khan tente parfois de se détacher de son image de lover boy, et n’y arrive qu’à moitié. Ça tombe rapidement dans l’éternel cliché : le presque sexagénaire qui fait les yeux doux à une femme qui pourrait être sa fille. Le sexagénaire qui veut se faire passer pour un trentenaire soit dit en passant… Il existe néanmoins une partie du rôle que je trouve intéressante pour le Badshah de Bollywood. Je ne vous en dirai pas plus pour éviter de vous gâcher la découverte.

Le film essaie également de s’appuyer sur une présence féminine multipliée, prenant la forme d’acolytes au personnage principal mais aussi les femmes de sa vie.

Sans vous spoiler, l’originalité du film s’arrête là. Les personnages féminins sont rafraîchissants, mais aurait pu être mieux utilisés. Au final, ce n’est qu’une histoire de plus sur un Robin des Bois des temps modernes. Une histoire de vengeance dont les détails me font penser à toutes les séries égyptiennes ou telenovelas de mon enfance. Il est clair pour moi qu’affiner l’histoire n’était pas une priorité pour Jawan. La part belle est faite aux scènes d’actions démesurées, à la sentimentalité mélodramatique poussive, ainsi qu’aux visuels stylish. Si les scènes sont - pour la majeure partie - captivantes, je reste dubitative sur l’intérêt des séquences d’introduction répétées toutes les cinq minutes. D’ailleurs, mettre des lunettes de soleil en pleine nuit m’a l’air plus stupide que stylé, mais ce n’est que mon avis !

Vijay Sethupathi est quant à lui relativement éclipsé. Il fait du mieux qu’il peut avec ce qu’on lui donne. Seulement, il est rapidement très clair que son personnage n’existe que pour représenter le stéréotype du méchant sans scrupule.

En somme, Jawan est conçu pour une cible spécifique.

Si vous vous identifiez dans la case des amoureux inconditionnels des masala, foncez. Autrement, le film n’a pas grand-chose à vous offrir, si ce n’est quelques passages d’humour, et une occasion de voir Shahrukh Khan essayer (à moitié) de sortir de sa zone de confort.

LA NOTE (moyenne) : 3/5
mots par
Fatima Zahra El-Ahmar
« Un thriller avec Vidya Balan et Farhan Akhtar ? Le rêve ! »
la contacter rapidement ?