Critique : Footprints on Water (★★★★☆)

samedi 20 avril 2024
Footprints on water Critique Cinéma Bollywood
Si vous suivez l'équipe de Bolly&Co depuis quelques années, vous savez que le Festival des Cinémas Indiens de Toulouse constitue l'un de nos rendez-vous favoris sur le terrain. Vous savez donc également que lors de la précédente édition - en 2019, nous avions eu le plaisir et le privilège de rencontrer l'acteur Adil Hussain, qui était venu défendre son film Souvenirs de mes nuits blanches. Cette année, s'il n'a malheureusement pas pu faire le déplacement, il envoie au festival un de ses films que j'attendais le plus : Footprints on Water. Pourquoi, me direz-vous ? Parce que ce métrage, qui parle des conditions de vie des personnes en situation irrégulière, compte également à son casting l'actrice Nimisha Sajayan, qui est à mes yeux l'une des meilleures comédiennes de la nouvelle génération.

La perspective de voir ces deux excellents comédiens se donner la réplique m'enchantait grandement. Et lorsque je m'installe dans la salle de cinéma, la programmatrice du festival, Vanessa Bianchi, avertit l'assistance : ce ne sera pas un visionnage facile. Cela dit, au regard du casting, plutôt habitué aux œuvres sombres et réalistes, cela ne me décourage pas. Bien au contraire…

Raghu (Adil Hussain), un migrant sans papiers, aspire à une vie meilleure pour sa fille Meera (Nimisha Sajayan), en arrangeant son mariage. Sauf que la jeune femme se rebelle et disparaît mystérieusement…

Il s'agit du premier film de la réalisatrice Nathalia Syam, originaire du Kerala (dans le sud de l'Inde) mais qui vit en Angleterre depuis de nombreuses années. La cinéaste, que nous avons eu le plaisir d'interviewer, explique notamment sa volonté de montrer une réalité sincère et empathique à travers sa caméra. La question des migrants lui tenait à cœur, et on sent effectivement qu'elle avait la volonté d'évoquer énormément de questions à ce sujet.

La narration se construit autour de la disparition de Meera, avec de nombreux flashbacks qui viennent nous en dire davantage sur le parcours de sa famille. Toutefois, le métrage alimente d'autres arcs narratifs qui, pour certains, auraient mérité davantage de temps à l'écran. Je pense notamment à l'histoire de ce couple venu du Sri-Lanka et qui vit avec l'espoir de faire venir leur fille en Angleterre.

La force du film, c'est incontestablement Adil Hussain.

Il incarne un Raghu rempli de complexité et de nuance. Il s'affiche pourtant dès le départ comme un personnage intolérant, tel un triste indicateur du climat sociétal en Inde. Le personnage est en souffrance permanente, physique et émotionnelle, si bien qu'on ignore au début si on va l'apprécier, le détester ou le prendre en pitié. C'est tout ça à la fois qui se produit à mesure que le film progresse. Raghu part à la recherche de sa fille disparue avec l'aide de Rehan (formidable Antonio Aakeel), un réfugié afghan dont Meera était amoureuse. S'il adopte d'abord une posture méfiante et clairement discriminante vis-à-vis du jeune homme, Raghu voit ses convictions déconstruites à mesure que l'enquête avance. Le changement n'est pas immédiat, mais on voit ces deux personnages radicalement opposés se découvrir et se rendre qu'ils ne sont pas uniquement liés par l'amour qu'ils portent à Meera.

Nimisha Sajayan, dont c'est le premier film en langue anglaise, confirme tout le bien que je pense d'elle.

C'est d'ailleurs lors du Festival des Cinémas Indiens de Toulouse que j'ai découvert cette comédienne, lors de la projection de son premier film Thondimuthalum Driksakshiyum en 2018. Depuis, l'actrice n'a eu de cesse de nous offrir des rôles fascinants, sur lesquels je reviens d'ailleurs dans cet article. Ici, elle tient certes un rôle secondaire, mais rend justice au personnage courageux et honnête qu'elle incarne. On sent effectivement chez Meera un conflit entre la volonté d'être juste et celle de voir la fierté dans les yeux de son père. En tant qu'enfant d'immigrés, je n'ai pu que comprendre ce dilemme qui l'habite, que l'actrice a représenté avec une justesse folle.

Le scénario de Neetha Syam est indubitablement efficace, malgré une montée en escalade des évènements un peu excessive à mon goût.

Le montage de Suresh Pai est truffé de bonnes idées, qui viennent mettre en exergue le travail de mise en scène sagace de Nathalia.

En conclusion



Footprints on Water est un visionnage nécessaire si vous avez la volonté de vous documenter sur les conditions de vie des migrants en Angleterre. Malgré son caractère parfois poussif, le métrage est beaucoup plus pertinent sur la question de l'immigration illégale que ne l'était Dunki, sorti en fin d'année dernière. Et si, effectivement, la démarche et le ton des deux œuvres ne sont pas comparables, j'ai trouvé Footprints on Water plus profond et intelligible sur les nombreuses questions qu'il s'autorise à aborder. Et la réussite de son œuvre, Nathalia la doit principalement à son acteur vedette Adil Hussain, qui livre une prestation hallucinante de vérité.

LA NOTE: 4/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?